L'Hôtel de Commune a dévoilé à l'occasion de la Désalpe 1998, son nouvel habit aux couleurs des armes de Lignières. Impressionnante est sa " Tour penchée " en contraste avec ses horloges et sa toiture gris-argenté qui selon la lumière du jour lui donne un reflet magique. Ce symbole villageois a une histoire que nous désirons résumer ici.

En premier lieu sa description. De plan presque carré (13m40 sur 12m50) l'Hôtel est flanqué d'une grêle tourelle d'horloge à son angle sud-ouest (3m sur 2m50, pour une hauteur d'environ 15m, sans le toit). Sa façade méridionale frappe par un agencement peu ordinaire dans cette partie du village, où les toits à deux pans ont leur faîte orienté d'est en ouest. La porte d'entrée en plein cintre est encadrée de chaînes à refends ; sous l'entablement, on déchiffre : MCHF.1730. IPIN (initiales des Gouverneurs de Commune Michel Chiffele et Jean-Pierre Junod). Aux deux étages, cinq fenêtres s'alignent et dans la division centrale, le " Compas ", tiré des armes du village, figure là entre deux coeurs. Il y a deux cadrans d'horloge modernes sur la tour. A l'angle sud-ouest de la bâtisse, le bras d'enseigne d'esprit encore Louis XVI porte un disque figurant le soleil. L'annexe orientale, plus jeune d'un siècle, s'harmonise avec la façade de l'Hôtel. Dans le corridor, une pierre réutilisée porte le " Compas " de la commune sous la date 1631.

Quant à l'histoire, elle nous révèle qu'en 1615 se trouvait à l'actuel emplacement un four, sans doute transformé ou amélioré en 1631, lorsqu'un premier droit d'auberge fut accordé à la commune. Une importante reconstruction, en 1730, a donné à la maison son aspect définitif. Le maître maçon Jérémie Borel, de Couvet, bourgeois de Neuchâtel, et très certainement le charpentier Joseph Perrenoud, de La Sagne, furent les entrepreneurs, et sans doute aussi les auteurs des plans. L'horloge de la Tour, mentionnée dès 1741, subit d'importantes réparations de l'horloger Jonas-Pierre Dessouslavy, en 1842 et 1844. Au début du XIXème siècle, la cloche appelait les enfants à l'école, les communiers à leurs assemblées et même les fidèles au culte. Comme le cabaret installé dans le bâtiment où siégeait aussi la Cour de justice de la mairie ne suffisait plus, la commune obtint de le transformer en auberge à l'" Enseigne du Soleil ", ceci au 1er étage. Il fallut modifier la maison et les locaux en état de loger les voyageurs (1827). En 1837, les façades furent crépies et rustiquées.La Commune acquit la maison touchant l'Hôtel, à l'est, puis la reconstruisit pour en faire une annexe à l'usage d'habitation, grange et écurie, en 1845-1846. Une restauration a eu lieu en 1938 et 1940.

Un début d'incendie en 1964, a touché la partie nord de l'édifice et les combles ont souffert; un galetas aux poutres chevillées de bois fut anéanti par les flammes.Et que dire de la tour qui penche, deux cœurs sur sa façade(...) ne serait-ce pas le résultat des disputes qui eurent lieu entre les Evêques de Bâle et les Comtes de Neuchâtel au sujet des frontières de leurs domaines du XIIIème au début du XVIII siècle ?

Lignières vit, la paix conclue, le partage de sa population et des comptes à rendre aux deux souverains. Si le spirituel était assuré par l'évêque de Lausanne comme par le passé, et ceci jusqu'à la réforme, le temporel, lui, jusqu'en 1630, était partagé entre l'évêque de Bâle et le souverain de Neuchâtel.Il fut établi une Justice de Lignières, composée de juges de Lignières (12) présidée par le Maire. Administrée par 2 modernes gouverneurs, un greffier, un notaire et des lieutenants, l'Assemblée de commune se réunissait chaque dimanche après le culte pour régler coutumes et droits selon un acte fait en 1349 et souvent confirmé.
Une cour d'appel établie au Landeron fonctionne durant un siècle à mi-partie entre la Neuveville et le Landeron, jusqu'à la cession des droits de l'évêque de Bâle en 1630.

Les habitants de Lignières continuèrent à rendre leur justice et à gérer leur Mairie dans la salle de justice au 2ème étage de l'Hôtel de Commune jusqu'en 1848, tandis que les Grands tiennent de multiples conférences concernant les limites de leurs États. Et ceci depuis le placement des hautes bornes du Franc-Alleu en 1535, mais c'est une autre histoire.

Réf. Jean Courvoisier - Les Monuments d'Art et d'histoire du Ct. Neuchâtel, t.2, Bâle 1963.
 
 
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